Plateau de La Lindosa et Guaviare

  • Brève tautologie d’un paysage

Aux mots « Nouveau Monde » ou « Amérique », étrangers à la vision des habitants originaires des territoires qu’ils désignent, on confronte aujourd’hui des termes tels Abya Yala, Cem Anáhuac ou Pacha, parmi d’autres, autant de dénominations que de peuplements et langues originaires ayant existé et dont l’utilisation actuelle, outre la revendication de la vision autochtone des territoires, apporte une importante charge idéologique en opposition à l’eurocentrisme. Ainsi, dans une manie romantique d’appropriation de l’espace et de sémantisation, souvent sans fondements, on assume des affirmations catégoriques sensées provoquer des quiproquos dans les configurations imaginaires des lieux lorsqu’on les nomme. Dans notre travail en tant que guides, nous avons une tâche d’interprétation des lieux de visite dans l’échange d’informations et de considérations sur les différents aspects de notre territoire : Cet espace que nous habitons, que nous apprenons à connaître et que nous partageons dans notre métier. Dans cette entrée nous allons considérer quelques réflexions sur les noms de deux espaces iconiques de ce territoire, susceptibles de créer des confusions ou des inconséquences au moment de leur attribuer une signification.

Origine de la rivière Guaviare
Naissance du Guaviare
Guaviare

Commençons par le nom du département : Guaviare, homonyme de la rivière principale de la région et de grande importance dans le bassin de l’Orénoque. La rivière Guaviare prend son origine au confluent des rivières Guayabero et Ariari dont les sources se trouvent au département du Meta dans les flancs de la cordillère orientale. Suivant le phénomène hydrologique, on aurait assumé une étymologie pour son nom au confluent phonétique des voix GUAYABERO + ARIARI = GUAVIARE, ce qui est un fait pour certains et semblerait logique, cependant nous n’avons pas trouvé d’évidences linguistiques faisant preuve pour être catégorique dans son affirmation.  Ceci impliquerait approfondir dans la signification des termes Guayabero, d’origine Taïno aux Antilles et Ariari, d’origine incertaine, en rapport avec la culture Guayupe du département du Meta ; termes qu’apparaissent dans les registres historiques bien avant les peuplements actuels qui proposent une explication sans fondements de leur signification. Par ailleurs, les langues Taïno et Guayupe font partie de la famille linguistique macroarawakienne. Le mot Guayabero garde un rapport étymologique avec le radical du fruit goyave (guayaba), hispanisé pendant la colonisation. Il désigne également un des groupes humains de la famille linguistique Guahibo par son emplacement lié à la rivière homonyme. D’après quelques registres, les guayaberos préfèrent être reconnus en tant que JIW (gens, dans leur propre langue). De sa part et sans évidences de notre part, Ariari semblerait désigner la répétition d’ARI comme suffixe en rapport à des plans d’eau puisqu’on le trouve fréquemment dans des noms de l’hydrographie de l’Orénoque, emplacement principal des peuples Guahibo et Guayupe tels SiARE, CasiquiARE, CasanARE, IteviARE, VentuARI, GuaviARE… et dans cet aspect on dit aussi que le Guaviare s’appelait jadis GuaviARI…

La Lindosa

Un autre cas se présente lorsqu’on nomme l’espace de la plupart des activités touristiques de la région, le plateau de La Lindosa. Certains affirment que le terme Lindosa obéirait à un rapport analogique octroyé par des explorateurs au moment d’apprécier les dalles des rochers (« Losas » en espagnol), les trouvant très belles (« Lindas » en espagnol), ils auraient donné ainsi aux lieux le nom de LINDA LOSA, devenu finalement Lindosa. Cette théorie nous semble un peu forcée vu que les termes « lindoso/lindosa » apparaissent dans l’espagnol et le portugais d’il y a plusieurs siècles pour des villages et de familles de la Lusitanie. Le terme serait en rapport étymologique avec les voix « lindo/linda » (beau/belle) d’origine latine et indoeuropéenne sans que l’on fasse mention d’un lien quelconque avec la voix LOSA (dalle), d’origine incertaine, probablement Celtique et en lien avec la Lusitanie aux premières apparitions. Ainsi, si l’on en vient à prouver l’existence d’ursidés dans la région, il ne sera pas difficile de rencontrer une théorie comme quoi les charmes des ours (« oso/osa » en espagnol) configureraient une nouvelle cause étymologique : LINDA OSA = LINDOSA ?

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